C’est drôle, non ? Je me suis dit que j’allais partager ça avec vous. Bon, en fait c’est pas vraiment drôle, loin de là même. Ceux qui me connaissent bien le savent, ça fait des années (10 en fait) que je m’inscris dans des auto-écoles ( 3 en tout) sans vraiment avoir été au bout de la démarche si bien que je n’ai jamais passé le code. Je vous entends déjà : » Elle abuse, il faut prendre le temps », « Depuis le temps si elle avait été sérieuse, elle l’aurait déjà eu… ». Tout ça je l’ai déjà entendu…
Parce qu’aujourd’hui, visiblement, si tu as pas le permis ben t’as rien compris !
C’est sûr, c’est pratique d’avoir un moyen de locomotion, tu te déplaces plus vite et de manière autonome, y’a pas à dire. Le permis de conduire est un passage obligé vers la vie d’adulte, la vraie.
Donc j’en reviens au titre de mon article, quand à 34 ans (dans quelques semaines !) tu l’as pas ce fameux papier et ben je vous jure qu’on vous regarde comme si vous débarquiez d’une autre planète. Limite tu as l’impression d’avoir foiré toute ta vie, et non je n’exagère pas ! « Ahhhh t’as pas le permis (regard compatissant) » « T’as perdu tes points ? », « Mais comment tu fais avec les enfants ? « (ben je les porte sur mon dos, oui oui les trois !!!!!!), ou encore « ahhh c’est ton mari qui conduit » (non, il l’a pas non plus !).
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Tchipppp |
Je vais vous dire quelque chose, ça me gave toutes ces remarques. Pourquoi les gens s’autorisent-ils de tels commentaires ? Ils pensent sans doute que ça ne peut pas blesser. Qui se permettrait de demander « ben t’es toujours pas en couple ?, » « tu les as eu tes enfants ?, » « ahhh et t’as pas de boulot ? ». Mince, oui il y en a pas mal des gens qui se le permettent aussi mais ça fait mal et on a qu’une envie : les envoyer ch***.
Donc oui je vais avoir 34 ans, je suis mariée, j’ai trois filles et un chat, j’ai fait des études, j’ai un boulot et je n’ai pas le permis de conduire. Pourquoi ? Une question de timing au départ, ensuite de sous et puis j’ai fini par faire de la résistance parce que j’avais peur.
Je m’explique.
Plus jeune (ouch, ça fait mal !), le permis ne faisait pas partie de mes priorités, j’ai grandi en région parisienne avec des transports en commun qui me suffisaient amplement donc pas d’utilité dans un premier temps. Assez tôt j’ai été indépendante, je me suis mariée et j’ai eu ma première fille (2003), depuis je suis devenue multitâches !!! Je me suis occupée de ma fille ses deux premières années tout en suivant un cursus universitaire à distance et puis je suis retournée à la fac l’année d’après (2006) tout en bossant à mi-temps comme pionne dans un collège, je m’inscris pour la première fois à l’auto-école. Je peine à trouver le temps d’y aller… L’année d’après j’ai été à l’IUFM et j’ai continué à bosser au collège, les années ont passé sans se ressembler à ceci près qu’il n’y avait pas vraiment le temps pour l’auto-école. Une petite fille pleine d’énergie, une vie de couple, un emploi, des études, autant d’éléments qui m’importaient plus que le permis… Une deuxième petite fille (2009), un emploi du temps qui se complique mais j’y crois alors après un déménagement je m’inscris dans une deuxième auto-école et rebelote je suis une élève fantôme pendant huit mois ! Dur, dur… Il faut garder en tête toutes les réflexions auxquelles j’ai droit gratuitement au passage, « il faudrait quand même le passer, gna gna gna … ». Oui, ben un moment le truc commence à te chauffer !!!! Donc tu fais des blagues, tu dis que c’est une démarche écologique… mais ça te saoule !!!!
Et puis ça veut dire quoi ? Je prends les transports, j’habite en banlieue, je fais mes courses à proximité de chez moi ou je me fais livrer, j’évite de sortir trop tard ou je prends un uber, je me démerde quoi ! Je pars en vacances, je vis ma vie et j’essaie de ne pas trop demander aux autres (ceux qui l’ont, le permis !) de m’emmener ou me raccompagner pour ne pas qu’on me fasse encore la morale ! A croire que je suis la seule personne qui fonctionne sans permis en France, pfff…
Je m’emporte ! Où j’en étais ? Oui, ben ensuite j’essaie de m’y remettre mais là ç’est comme si je me lançais dans un projet titanesque, hyper compliqué de jongler entre le boulot, récupérer les filles chez la nounou et à la garderie de l’école, cuisiner non on va pas mentir réussir à réchauffer un plat préparé, ne pas s’endormir avant d’avoir fini de débarrasser la table, un gros bordel quoi ! En plus à cette période je commençais à avoir de grosses remises en question sur mon avenir, j’avais loupé le concours de professeur des écoles, j’étais encore pionne donc me faire violence dans ce contexte pour aller apprendre à conduire, euh non.
Et puis finalement les choses ont commencé à aller mieux quand j’ai réussi le concours de la PJJ en 2011 (yesss !), moral au top, motivation etc… Génial. Bon sauf que la formation de deux ans ne me laissait pas vraiment le temps pour me consacrer au permis encore une fois. Des allers-retours Paris /Roubaix pendant les deux ans et puis les exigences d’une formation avec des stages, des écrits à rendre, un mémoire… Et vu que vous commencez à me connaître, vous savez comment j’aime faire plein de choses à la fois donc c’est aussi la période que j’ai choisie (Mr a eu son mot à dire je vous rassure !!!) pour ma troisième grossesse ! Donc pour moi c’était carrément mission impossible.
Après ma titularisation, mon congé mater (2014), c’était sans doute le moment de m’y atteler à l’obtention de ce permis de conduire. Mais je n’y suis pas parvenue, avec des horaires de boulot classiques (9/18h) ça laisse peu de marge puisque maintenant il y en a trois des princesses à récupérer, parce que Mr il bosse un peu plus loin et plus tard. Donc je me dis, je vais y aller pendant des congés… Mais qui fait ça ? Sérieusement ? Avec quelle énergie au juste ?
Et puis là je me suis posée les vraies questions, je me suis rendue compte que toute cette pression sociale sur l’aptitude à conduire était insupportable, que le fait de conduire m’angoissait, en fait j’étais convaincue que ce n’était pas fait pour moi (avec l’idée qu’en matière de coordination j’étais nulle !). C’est vrai j’avais des raisons objectives tout au long de ces années qui m’avaient empêchée d’aller au bout d’une formation de conduite, mais j’avais aussi ces freins que je n’osais m’avouer. J’avais réussi dans pas mal de domaines de ma vie à atteindre les objectifs que je m’étais fixée, j’avais une vie équilibrée et pourtant je me sentais dévalorisée quand on me faisait des remarques sur le permis, ce fichu truc qui semble être une formalité pour tout le monde sauf pour moi …
Je me suis prise en main et j’ai décidé d’y aller, advienne que pourra. Donc fin 2015 j’ai remis les pieds à l’auto-école, ils étaient ravis de me revoir !!!! J’ai été assidue au début et puis un peu moins (emploi du temps de folie !) et puis ensuite on a pris la décision de partir pour le soleil ….
Après notre déménagement et une fois installés, je me suis rendue compte que j’avais laissé mon dossier de conduite là bas ! Après un coup de fil et quelques jours d’attente, il était au courrier, sitôt récupéré je me suis inscrite ici en Guadeloupe dans ma troisième auto-école ! Le contexte est très différent de tout ce que j’ai connu jusque là, j’ai du temps, j’ai repris confiance, tous les voyants sont au vert…. J’espère que cette fois ci ça va le faire.
Je vais régulièrement au code, j’ai fait mes 10 premières heures de conduite et j’ai réussi à dépasser ma peur. Je ne suis pas nulle, j’avais besoin de temps. On m’a souvent dit que je faisais les choses à l’envers, pas selon l’ordre établi, soit. Pourquoi les autres devraient me dire comment organiser ma vie, me dire comment me réaliser ? M’affranchir de la pression sociale, ça, ça a contribué à me rendre plus heureuse.
Après m’avoir lue j’espère que la prochaine fois qu’une personne vous dira qu’elle n’a pas le permis vous ne la jugerez pas mais que vous vous direz « elle a dû en faire du chemin ! ».
Je m’appelle Mélora, j’ai 34 ans, trois enfants et je n’ai pas encore le permis mais ce n’est rien de grave je vous rassure.
Mise à jour août 2017 : Toujours 34 ans, trois enfants, permis obtenu, je poursuis ma route. Bisous.